Soutien aux déboulonneurs

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[Paris] Après la relaxe, lettre ouverte à Delphine Batho, ministre de l’Ecologie

mardi 2 avril 2013, par nicolas

Madame Batho,

Lundi 25 mars le tribunal correctionnel de Paris a décidé de relaxer six militants du Collectif des déboulonneurs. Depuis 2005, vous le savez, nous organisons des actions de désobéissance civile en barbouillant des panneaux publicitaires. Nous demandons qu’un débat sur la place de la publicité dans notre société soit organisé et que les dimensions des dispositifs implantés dans l’espace public soient grandement réduites.

La désobéissance civile est un choix par défaut. Ce mode d’action s’impose à nous. Alors que depuis des décennies les associations interpellent les pouvoirs publics de façon traditionnelle, alors que très majoritairement la population exprime son ras-le-bol face à l’invasion publicitaire, nous ne pouvons que constater la visibilité toujours plus grande offerte aux afficheurs. Les politiques sont responsables de cette situation. L’aérosol de peinture est notre ultime recours pour faire progresser l’intérêt général. En motivant sa relaxe par l’ « état de nécessité », le tribunal ne dit pas autre chose. Oui, à un moment donné, il est légitime de transgresser symboliquement la loi pour défendre des intérêts moraux supérieurs.

En 19 procès, c’est la deuxième relaxe pour notre collectif. La première était intervenue pendant le Grenelle de l’Environnement. Visiblement, le message envoyé par la justice n’avait pas été entendu par le gouvernement de l’époque. Sur le fond, Mmes Jouanno et Kosciusko-Morizet ont orchestré la légalisation de nombreux dispositifs illégaux et autorisé l’arrivée des écrans numériques et des bâches géantes. À l’inverse, rien n’a été fait pour réduire la pression publicitaire. Sur la forme, une thématique exclue des grands débats du Grenelle, une consultation publique enterrée pour cause de résultats trop clairement contraires aux orientations choisies, un décret truffé d’erreurs techniques publié en catimini avant les élections, mais surtout un ministère de l’Écologie qui fonctionne aux ordres du principal afficheur français avec l’Élysée comme courroie de transmission. La presse s’en était largement fait écho et la classe politique, y compris à l’UMP, avait constaté les dégâts de cette réforme. La primauté des amitiés entre hommes d’état et hommes d’affaire sur la bonne gestion politique a la peau dure.

Très récemment le Sénat a examiné et voté un texte d’amnistie des actes militants collectifs. Votre parti a choisi d’amender cette proposition de loi et d’en exclure les actions liées à l’environnement. Peut-être estimez-vous que d’autres pratiques sont souhaitables, que le dialogue est toujours possible ? Il ne tient qu’à vous d’en faire la démonstration. Cette deuxième relaxe vous offre, Madame la ministre, l’occasion de rouvrir le dossier et de vous y atteler sans plus attendre.

Nous connaissons tous l’inertie de l’administration. Vos services travaillent actuellement à la mise en place des décisions de vos prédécesseurs (circulaire sur les modalités d’application, établissement de seuils de luminosité des écrans numériques). Doit-on supputer qu’ils travaillent en roue libre sur leur lancée ? Y a-t-il eu des directives de votre part pour mettre en branle toute cette machinerie ? Doit-on en conclure que vous avalisez les choix tragiques du précédent gouvernement ? On entend dire que le sujet serait peut-être abordé dans le cadre d’une discussion sur la biodiversité à l’automne. Cela ressemble furieusement à une stratégie d’évitement. Va-t-on tranquillement laisser les nouveaux dispositifs s’implanter pour constater d’ici un an ou deux qu’on ne peut plus les démonter ? C’est maintenant qu’il faut agir !

Cette thématique mérite un cadre dédié à elle seule. Quelle que soit votre décision, elle devra être exprimée clairement et publiquement. Les non-dits, les faux-fuyants et le refus d’assumer une orientation politique étaient la marque de fabrique de Mme Kosciusko-Morizet. Le changement dans la pratique politique fut un axe majeur des dernières campagnes électorales. Mettons le en œuvre ensemble. Nous prenons nos responsabilités et choisissons de respecter une trêve des actions de désobéissance civile. La balle est dans votre camp, saisissez-la.